Travailler comme souffleuse de verre, était-ce une vocation ?
Oui : à l’âge de 12 ou 13 ans, j’ai vu à la télévision un reportage sur un verrier qui fabriquait des flacons de parfum, j’ai tout de suite accroché. Alors j’ai fait un CAP puis un brevet des métiers d’art « souffleur de verre », l’équivalent d’un bac pro, à Sarrebourg, en Moselle. Pendant ma formation, j’ai effectué des stages dans plusieurs verreries, notamment chez Baccarat, en Meurthe-et-Moselle, et Lalique, en Alsace.

Comment êtes-vous arrivée à la verrerie de La Rochère ?
À la fin de mes études, à 18 ans, j’ai postulé un peu partout. La Rochère a bien voulu me recevoir contrairement à d’autres employeurs qui m’ont refusée, sans doute parce que j’étais une fille.

Quel est votre rôle dans l’atelier ?
Je fabrique les grosses pièces : bocaux, vases, coupes de fruits, saladiers. C’est une sacrée responsabilité car si on se loupe, ça chiffre tout de suite… Avec une longue canne, je vais chercher d’abord une petite quantité de verre en fusion, sorti du four à 1 150°C, et je rajoute une deuxième couche par-dessus. Ensuite, je commence à poser le décor, c’est-à-dire les couleurs, en roulant ma future pièce dans des poudres de verre coloré. Puis je la travaille avec un outil appelé mailloche pour l’arrondir avant de la souffler afin de créer une bulle d’air à l’intérieur.

C’est très physique comme travail ?
Pour le souffle, ce n’est pas très compliqué, juste une habitude à prendre pour souffler par petits coups, de manière légère et continue. Mais avec la canne, c’est plus sportif.  Je manipule des pièces qui pèsent de 1 à 10 kilos pendant un quart d’heure voire 30 minutes pour les fabrications les plus complexes. C’est comme porter un pack d’eau au bout d’un bâton !

Guy Roussey l’ancien responsable d’atelier, vous a prise sous son aile avant de partir à la retraite en juin dernier. Que vous-a-t-il enseigné que vous n’aviez pas appris en formation ?
Tout ! A l’école, on nous donne les bases mais c’est sur le tas qu’on apprend vraiment. Il paraît qu’il faut dix ans pour fabriquer un bon verrier. On a fait une formation accélérée ! Guy m’a tout appris sur le métier qui me passionne. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est à lui que je le dois.

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce métier ?
La matière ! Le verre est une matière vivante. On dit souvent qu’on ne travaille pas le verre, on danse avec. La matière bouge, il faut suivre son rythme, on doit s’adapter et la dompter en même temps. Et ça, ça demande beaucoup de pratique.

Quelles qualités sont nécessaires pour réussir comme souffleuse de verre ?
Il faut beaucoup de patience et de rigueur. C’est normal de ne pas y arriver du premier coup. On doit laisser du temps au temps.

Recueilli par Edwige Prompt